Au lendemain de l’adoption par les Nations Unies de la déclaration de l’UNGASS 2016 sur les politiques des drogues, la grogne monte chez de très nombreux pays pour qui il aurait fallu aller beaucoup plus loin…

Contrairement à ce qui a été annoncé en Une du journal Le Monde, dans un article encore une fois plus qu’approximatif sur le sujet (prouvant le peu de fiabilité de ce journal sur les questions géopolitiques ou internationales quelque peu hors-routine), la déclaration finale de l’UNGASS a été adoptée, sans débat, dès le premier jour et la première heure de la réunion.

UNGASS20162C’est une profonde erreur d’analyse que d’affirmer que l’ONU aurait acté l’échec de la guerre contre les drogues, alors qu’elle a au contraire activement travaillé à ce qu’aucune conclusion ne soit tirée quant à la réussite des politiques internationales de contrôle des stupéfiants. C’est d’ailleurs ce que de nombreux pays ont essayé d’exprimer, et nous avons recueilli ci-dessous les réactions les plus vives ou intéressantes à promouvoir.

Initialement, la fameuse déclaration finale de l’UNGASS devait bien être votée le dernier jour, mais le programme a été changé il quelques semaines avant l’UNGASS, pour que la déclaration soit votée dès le début de la session. Les organisateurs de l’UNGASS voulaient ainsi s’éviter un dernier tour de négociations et, justement, s’assurer ainsi que l’ONU n’acterait pas l’échec de sa stratégie de « guerre aux drogues » mise en place depuis les précédentes UNGASS de 1998 et 1990. Pour en savoir plus sur les conséquences douteuses de la préparation de cet UNGASS, consultez notre portail ou le communiqué de presse signé par 200 ONG.

 

 

Office du Haut commissariat aux Droits de l’Homme

La déclaration continue de défendre le concept d’un “monde sans drogues”

Le régime international actuel demeure extrêmement punitif ; les lois nationales sont encore trop axées sur la criminalisation.

Nous avons une « intense frustration » : bien que les choses avancent, elles ont « besoin d’avancer considérablement plus vite ».

Nous pensions que la présence des références aux droits de l’Homme dans la déclaration aboutirait logiquement sur un appel global à décriminaliser l’usage de drogues, avec bien sur toutes les actions d’état en termes de santé qui peuvent aller avec.

 

Nous aurions aussi aimé lire dans la déclaration de l’UNGASS, une référence claire au Droit à la santé, une liste des obstacles aux Droits humains dans les politiques des drogues, plus de vocabulaire sur la réduction des risques, on aurait bien spur aimé une condamnation du recours à la peine capitale, mais aussi une oblication pour les États d’enquêter sur les violation des droits humains commis par les forces de l’ordre au nom des politiques liées aux drogues.

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Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime

Les politiques globales doivent mettre le personnes au centre de leurs préoccupations.

Mettre les personnes au centre, c’est autoriser l’éducation, le soin, la réduction des risques ; pas l’incarcération.

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Organe International de Contrôle des Stupéfiants

La proportionnalité des peines est au centre des conventions.

Les conventions autorisent la dépénalisation et sont flexibles pour des innovations législatives. Les conventions n’ont jamais appelé à la “guerre aux drogues”.

Près de 80% de la population n’a pas accès aux traitements antidouleurs, alors que’un des objectif principaux des conventions est d’assurer les meilleurs traitements.


Organisation Mondiale de la Santé

De nombreux stupéfiants ont une véritable utilité en médecine, et il faut d’urgence en permettre l’accès pour les personnes en ayant besoin.

Les politiques publiques ont trop été axées sur l’action de justice criminelle, au détriment d’un regard de santé qu’il faut remettre en avant.

“Drug policies that focus almost exclusively on use of the criminal justice system need to be broadened by embracing a public health approach. A public health approach starts with the science and the evidence.”


États-Unis d’Amérique

Il y a 45 ans, notre pays a commencé une guerre aux drogues qui s’est transformée en guerre contre les personnes faisant usage de drogues. Elle a terminé par les stigmatiser et en les criminaliser, plutôt qu’à s’attaquer aux causes essentielles du problème.

Les personnes dépendants ont besoin de compassion, et d’avoir accès aux traitements.

Nous devons investir dans l’éducation pour être plus efficaces dans la lutte contre les drogues.

Mieux vaut guérir que punir, mieux vaut investir dans la santé et la recherche pour mieux prévenir l’usage, et offrir un accès efficace aux traitements, y compris de substitution.

 


Jamaïque

La flexibilité des traités ne semble pas assez grande pour permettre des régulations au niveau national, en particulier chez nous l’usage traditionnel du cannabis.

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Canada

Au printemps 2017, nous allons légaliser le cannabis, cela va remettre en jeu les status quo des conventions, mais nous pensons que c’est la meilleure solution pour la santé.

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Mexique

Lisez l’article complet sur la déclaration du président mexicain Enrique Peña Nieto à l’UNAGSS

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Uruguay

Nous regrettons que la déclaration de l’UNGASS peine à accepter le concept de réduction des risques et des dommages.

La régulation des marchés, des cultures, et des flux financiers devrait être envisagée comme des outils de réduction des dommages et de lutte contre l’offre, en “coupant à la racine la colonne vertébrale du narcotrafic”

Parfois, les politiques des drogues sont plus dangereuses que les drogues elles mêmes

Il ne faut pas se gêner pour discuter des conventions car leurs limites sont démontrées tous les jours.

Cette guerre contre les drogues, insensée, et aux relents de pensée unique, s’est terminé.

Comme pour le tabac et l’alcool, l’Uruguay a une action publique forte sur le cannabis, et nous proposons notre expérience dans ces trois domaines aux autres États.

Chaque chose doit être faite en son temps, mais désormais, c’est le temps de la Paix, pour la Santé, pour les Droits humains ; c’est le temps pour qu’une AG de l’ONU ouvre la voie vers de nouvelles approches.

“Una guerra insensata, sostenida desde un enfoque fundamentalista de un exhibicionismo rígido con pretensión de pensamiento único”

“Hay que incorporar efectivamente la perspectiva de los derechos fundamentales tiene consecuencias pragmáticas claras. Uruguay propone directrices y mecanismos tendientes a promover, proteger y respetar los DDHH en el contexto de política de drogas”

 

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Arménie

Nous regrettons fortement que la déclaration finale de l’UNGASS ait été préparée et négociée sans respecter le principe d’égalité entre les pays inclus dans la Charte des Nations Unies.

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Nouvelle Zélande

Le système dans son ensemble manque de références scientifiques.

Une régulation responsable pourrait aider à faire plus et mieux pour diminuer les risques.

Sur la question du cannabis, il faut adopter une approche compassionnelle pour ceux atteints de maladies graves.

 


Liechtenstein

Il en faut beaucoup plus sur la réduction des risques, les droits humains et contre la peine de mort.

@LiechtensteinUN

“#UNGASS2016 outcome doc is not the game changer we needed for harm reduction and #humanrights; ignores problem of #deathpenalty”


El Salvador

Les données ont mis en évidence que les problèmes liés aux drogues illicites représentent moins de 1% des problèmes liés à toutes les drogues.

Face à des désastres absolus comme le tabagisme, le problème des drogues illicites doit être considéré comme une question mineure de santé publique.

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Norvège

La déclaration de l’UNGASS représente un pas important, et nous l’avons approuvée telle quelle par respect du consensus global, et parce que les préparations ont été longues et intense ; mais nous ne sommes pas satisfaits : nous aurions aimé voir un langage plus affirmé sur la question des droits de l’homme, en particulier la peine de mort et la proportionnalité des peines. Le concept de RDR aurait également dû être reconnu.

Au moins, la déclaration a fourni une bonne base pour commencer dès maintenant à travailler aux préparations de 2019. D’ici à 2019, il faut arriver à être beaucoup plus ambitieux : même s’il y a quelques avancées, nous devons être beaucoup plus efficace pour transformer le vœu de “plus de santé” en nouvelles politiques des drogues réelles et concrètes.

Dans ce sens, on se félicite qu’une attention très large ait été portée sur l’UNGASS et ses préparations.

Le manque d’accès aux médecines à base de stupéfiants est aussi à déplorer.

Il faut une coopération de toutes les agences ONU sous la coordination du Secrétaire Général.


Guatémala

Nous devons réaffirmer que la santé et le bien être sont à la racine des conventions.

Il faut aussi reconnaître que les politiques relatives aux drogues doivent confluer totalement avec les droits humains, en se centrant sur les personnes, et pas sur les substances.

Nous partons du principe que les conventions ont la flexibilité nécessaire pour appliquer souverainement les politiques les plus appropriées.

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Colombie

En toute franchise, avec l’histoire particulière de la Colombie, un des pays à avoir le plus souffert des conséquences du phénomène, comme toute la région, nous vous affirmons que l’heure est venue pour la planète d’adopter une nouvelle approche.

Pendant longtemps, nos politiques sur les drogues n’étaient basées que sur le prix de la cocaïne à la revente aux USA, sans aucune considération pour nos citoyens.

Depuis plusieurs années, nous changeons de cap vers la santé publique. Nous avions décriminalisé l’usage. Dans les prochaines semaines, nous allons mettre en place un système pour le cannabis thérapeutique, avec des licences et des régulations à tous les niveaux, y compris à l’exportation.

« Un país como Colombia, que ha soportado la carga más pesada en la lucha global contra las drogas, tiene la autoridad moral para decir con total convicción, que ha llegado el momento de que el mundo adopte un nuevo enfoque en su política de control de drogas”, expresó el Jefe de Estado esta semana en la prensa internacional. »

« Es un llamado a reconocer que entre la guerra total y la legalización hay toda una gama de opciones que podemos explorar para mejorar la prevención contra el abuso de drogas en nuestra juventud, otorgar un tratamiento más humano a los consumidores de drogas, incrementar la colaboración para combatir el crimen organizado, y brindar alternativas económicas a campesinos y otras comunidades vulnerables presas del negocio del narcotráfico »


France Cliquez ici pour lire le discours de Patrick Kanner pour la France à l’ONU KANNER_UNGASS_TWEET

 

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