Un patient, atteint de sclérose en plaques, entame sa 4ème semaine de grève de la faim pour réclamer l’accès au seul traitement efficace, à base de Cannabis, disponible presque partout en Europe sauf dans l’hexagone.

Aujourd’hui, lundi 6 juin 2016, Laurent Puisais est en grève de la faim depuis plus de 4 semaines. Il a en effet cessé de s’alimenter depuis le 7 mai (la journée dédiée à la Marche Mondiale pour la libération du Cannabis au niveau international), se mettant en danger pour obtenir un droit basique et fondamental : le droit à la Santé, le droit de pouvoir accéder au médicament le plus à même d’atténuer sa spasticité et ses douleurs, sans provoquer d’effets secondaires nocifs.

Depuis plus de dix ans, Laurent est cloué dans un fauteuil roulant par une sclérose en plaques évolutive. Il a découvert qu’un médicament à base de Cannabis, prescrit dans 17 pays européens, et théoriquement autorisé en France depuis un décret de 2013, le Sativex®, pouvait le soulager grandement. Pourtant, ni lui ni aucun autre malade français atteint de cette maladie ne peut encore bénéficier du Sativex®, deux ans après que son autorisation de mise sur le marché ait été délivrée ; le comité de transparence de la Haute Autorité de Santé a estimé que “l’amélioration du service médical rendu du Sativex® est nulle”  (ASMR5).

Laurent Puisais SEP

Laurent Puisais, malade de la sclérose en plaque, effectue sa deuxième grève de la faim

Pourtant, le médicament est prescrit (donc jugé utile) et remboursé par la sécurité sociale dans un grand nombre de pays voisins, et notamment l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie ou l’Espagne. De surcroit, le Comité d’experts de la Pharmacodépendance de l’OMS, l’autorité suprême en la matière, avait recommandé dès septembre 2002 le placement du delta-9-tétra-hydrocannabinol (ou THC, le principal phyto-cannabinoïde) au Tableau IV de la Convention de 1971, parmi les psychotropes les plus utiles médicalement et les moins dangereux, reconnaissant en mars 2006 que le THC “est indiqué dans le traitement de la douleur chronique ou encore des troubles neurologiques”.

Plus d’infos sur les modalités de prescription médicale des cannabinoïdes et sur les conclusions aberrantes de commission de transparence de la HAS sur le Sativex, consultez notre précédent article consacré à la prescription médicale des cannabinoïdes.

Nous avons formulé plusieurs revendications qui devraient être suivies dans les plus brefs délais. Ces propositions sont justes et légitimes au regard des données de la science moderne. Elle pourraient contribuer à améliorer le bien-être de millions de nos concitoyens et à garantir l’égalité d’accès aux soins dans Europe:

  1. Une extension de l’AMM du Sativex aux indications indiscutables, et en premier recours éventuel : douleur neuropathiques chroniques (Sclérose en Plaques, traumatisme de la moelle, névralgie brachiale), spasticité chronique (SEP, traumatisme de la moelle), nausée et anorexie liée à la chimiothérapie (VIH, VHC), syndrome de Gilles de la Tourette, glaucome ;
  2. Une prescription initiale non-restrictive pouvant être faite par tout médecin généraliste, y compris hors AMM en cas d’usage compassionel ;
  3. Une prise en charge d’une partie du coût par la sécurité sociale selon une évaluation objective du Service Médical Rendu ;
  4. La mise à disposition en officine de spécialités phytothérapeutiques à base de Cannabis (comme Bedrocan®) ;
  5. L’arrêt immédiat de la pénalisation de l’usage ainsi que de la culture à des fins auto-thérapeutiques, en cas de certificat attestant d’une pathologie pour lequel le Cannabis peut être utile ;
  6. Un investissement public dans la recherche clinique sur les cannabinoïdes, notamment dans le cadre du plan anti-cancer.

Parallèlement, les saisies de plantes de Cannabis auto-cultivé chez des patients atteints de maladies invalidantes se multiplient. Ces mêmes patients, d’abord privés de l’accès aux préparations pharmaceutiques issues du Cannabis, sont ensuite traînés devant les tribunaux lorsqu’ils se tournent vers la culture de cette plante qui atténue leurs douleurs et améliore leur quotidien dans sa forme naturelle.

Sativex

Le Sativex®, on le voit encore très difficile d’accès en France.

Dans n’importe quelle situation similaire, toute personne ferait preuve d’empathie et trouverait scandaleux un tel déni de traitement et de non-assistance à des malades dont le traitement est connu et accessible. Mais non, en un demi siècle de prohibition, la plante de Cannabis a tellement été diabolisée que la compassion n’entre même plus en ligne de compte.

En France, bien qu’un décret de 2013 ait fait réentrer les phyto-cannabinoïdes et les préparations galéniques à base de Cannabis dans la pharmacopée, dans la pratique tout est fait pour que le Cannabis ne soit PAS un médicament. Les patients fabulent, c’est bien connu. Dans le fond, la morale prohibitionniste qui infuse toujours dans la pensée de nos élites veut qu’il vaille mieux souffrir que de se soigner avec de “la drogue” ! Les Académies de Médecine et de Pharmacie françaises font face aux critiques des scientifiques du monde entier, mais campent pourtant encore sur des positions idéologiques quasi-obscurantistes, basée sur une diabolisation systématique des produits stupéfiants (le chanvre en tête de file) même lorsque la vie et la santé des personnes est en danger. Ces institutions refusent encore — le plus longtemps possible — d’admettre l’évidente utilité thérapeutique des phyto-cannabinoïdes et le fléau que représente la prohibition.

LOGO-SDP-FRANCE-2016La problématique de l’accès aux soins et de la criminalisation des usagers, malades ou bien portants, sera au centre de la prochaine campagne “Support. Don’t Punish.” (Soutenons, accompagnons, mais ne punissons pas). Cette campagne internationale, initiée en 2013, prendra place toute la semaine précédant le 26 juin dans plus de 10 villes de France, et sera l’occasion de souligner l’importance du nécessaire changement de perception quant aux “drogues”, des substances qui à la base n’étaient non pas interdites, mais contrôlées pour en circonscrire l’usage aux besoin médicaux et en assurer la disponibilité à ces fins, des substances dont l’usage médical est reconnu comme “indispensable” par la Convention Unique sur les Stupéfiants ; l’occasion de souligner le dérapage des politiques contrôle des substances en politiques de contrôle social basé essentiellement sur le volet répressif.

Soyons nombreux à participer du 23 au 26 juin à la campagne Support. Don’t Punish pour la dépénalisation de l’usage privé des produits stupéfiants ; la campagne a pour but de promouvoir les alternatives en matière de prise en charge des addictions dans le respect des droits humains au moyen d’un concept très simple : chaque citoyen en accord avec ce postulat est invité à se prendre en photo à côté du logo de la campagne, pour exprimer son soutien et interpeller les législateurs par le “poids du nombre”.

Pour finir, laissons la parole à Jean-Michel, un usager de Cannabis médical qui a bien voulu témoigner quant à son ressenti de la situation :

J’aimerais partager ma plus profonde indignation. Sur les 3 années passées, cinq des mes amis, tous malades chroniques et incurables en l’état actuel de la médecine, se sont vus les poursuivis en justice. Même si en finalité ils n’écopent que d’une amende, ils ont dû débourser les frais d’avocat et de justice, sans compter le traumatisme encouru lors des interpellations.

Je peux comprendre que l’on soit contre l’usage de cannabis, même si on sait que l’usage d’alcool tue beaucoup plus. Par contre ce que je ne comprends pas, c’est cet acharnement sur des malades. En effet, la plupart des médecins constatent que les patients tirent de réels bénéfices médicaux de leur consommation et que le cannabis dispose d’une grande sécurité d’emploi (donc une balance bénéfice – dommages positive). De plus, dans certaines pathologies, aucun médicament n’arrive à un résultat équivalent et la majorité des médecins seraient prêts à le prescrire.

Pour aller plus loin :