Pour la première fois, une coalition internationale de patients du cannabis thérapeutique (IMCPC) a été fondée. Les malades, usagers de cannabis les plus fragiles victimes d’une forme de double-peine intolérable : celle causée par l’infirmité et celle de l’absence d’accès sûr à une forme de traitement utile, vont enfin bénéficier d’un soutien de haut niveau ainsi que de conseils pratiques pour la défense de leurs droits et d’une action coordonnée pour la réforme des législations prohibitionnistes en vigueur.

International Medical Cannabis Patients Coalition.

Le 7 mars 2015 à Prague, en marge de la conférence « Cannabis médical et cannabinoïdes : Législation, recherche et pratiques cliniques » patronnée par le Ministre de la Santé de République Tchèque et l’administration centrale des affaires de drogues, naissait la première Coalition Internationale de patients utilisant le cannabis à des fins médicales (IMCPC, International Medical Cannabis Patients Coalition). L’équipe de #ProCannabisTeam a participé aux rencontres et discussions préliminaires à la création de cette coalition, aux côtés de militants français de l’Union Francophone pour les Cannabinoïdes en Médecine et de nombreux autres pays (Allemagne, Autriche, Bulgarie, Espagne, États-unis, Israël, Italie, Royaume-Uni, Slovénie…), et les associations Chanvre & Libertés et Cannabis Sans Frontières qui font donc partie des organisations fondatrices de cette coalition.

Le cannabis est utilisé depuis des siècles en médecine, et est désormais très sérieusement considéré comme un traitement efficace de nombreuses pathologies, y compris dans les domaines de la neurologie, la neuropathie, et même l’oncologie. L’OMS a, en 2014, effectué une revue des données scientifiques relatives aux utilisations médicales du cannabis, suggérant à la Commission des Stupéfiants (CND) de l’ONU de reconsidérer le classement de cette plante et de son composant psychotrope comme stupéfiants. Les conclusions de l’OMS prenaient en compte le fait que le cannabis, placé sous les mêmes règles de contrôle que les opiacés (parmi lesquels on compte la morphine ; l’utilisation licite des opiacés en médecine génère chaque année 69 000 décès par overdose, selon l’OMS), ne jouissait pourtant pas de la même disponibilité pour des raisons médicales, alors qu’aucune overdose liée à l’usage de cannabis n’a jamais été répertoriée dans l’Histoire.

De par le monde, les mouvements d’auto-organisation des patients pour leur défense et pour un auto-support ont été la clef de voute des droits gagnés par les individus pour utiliser du cannabis sous supervision médicale. Ceux-ci se sont attelés, pays par pays, à oeuvrer au dépassement des clichés et des peurs adossés à la plante de cannabis, de son statut d’illégalité, à résorber le gouffre de connaissances, et d’éducation entre les patients et le corps médical.

Bien que nous parlions des langages différents et vivions sous des régimes politiques différents, la compassion, la science et la santé humaine sont identiques dans toutes les langues, dans tous les pays, dans tous les cabinets médicaux du globe.

Nous nous rassemblons. Pas pas seulement pour partager nos connaissances, nos expériences et nos ressources. Aussi, et surtout, pour unir la parole des patients du monde entier derrière une déclaration des droits de l’Homme à accéder à son traitement médical.

Le but de cette coalition ?

Permettre l’accès sûr et légal au cannabis médicinal sur toute la planète.

Les objectifs pour atteindre ce but ?

  1. Participer aux changements des traités internationaux pour pérenniser l’accès au cannabis médical ;

  2. S’associer aux travaux de la Commission Globale sur les Politiques des Drogues (GCoDP, Global Commission on Drug Policies) ;

  3. Créer une espace de ressources complet sur internet, via le site www.imcpc.org ;

  4. Fournir de l’aide au niveau national pour la création d’associations de patients, pour la défense des droits, et pour les revendications politiques.

 

Présentation de l’IMCPC aux Nations Unies.

Dans un premier temps, Michael Krawitz, directeur exécutif de l’association « Veterans For Medical Cannabis Access » aux États-Unis et membre fondateur de l’IMCPC, a été reçu a l’ambassade de République tchèque à Vienne pour présenter la coalition fraîchement créée devant des membres de nombreuses délégations officielles venues assister à la 58ème CND.

Étaient aussi reçus de James E. Gierach, ancien procureur de Chicago et membre de la LEAP (Law Enforcement Against Prohibition), qui a présenté ses propositions d’amendement aux trois conventions internationales relatives au contrôle des drogues, et de trois membres de la GCoDP (Global Commission on Drug Policies), Ruth Dreifus, ancienne présidente et ancienne ministre de l’Intérieur de la Suisse, Michel Kazatchkine, envoyé spécial VIH/SIDA du Secrétaire général de l’ONU en Europe de l’Est et Asie centrale et de Dr Pavel Bém, ancien maire de Prague et président d’honneur de la Conférence sur le Cannabis médical de Prague.

La baronne Molly Meacher, qui siège à la Chambre des Lords au Royaume-Uni, a exposé un ensemble de lignes directrices diplomatiques, projet de plusieurs États membres (dont le Mexique, le Royaume-Uni, la République tchèque parmi d’autres). Ces lignes directrices tendent à permettre un cadre autorisant une discussion autour des différentes options de la réforme envisageables pour l’UNGASS de 2016, ce « sommet mondial sur les drogues » qui, pour beaucoup, doit offrir la possibilité d’une réorientation des politiques internationales en matière de contrôle des stupéfiants. Les lignes directrices envisagées cherchent à atteindre un consensus sur la définition de ce que devront être exactement les limites de la « flexibilité » des traités, permettant d’envisager la fourchette de tolérance vis-à-vis des mesures que les États membres peuvent défendre pour expérimenter des politiques nationales relatives aux drogues qui leurs soient propres, tout en respectant les engagements de contrôle des flux internationaux ratifiés par les États membres de la Commission des Stupéfiants de l’ONU.

Au titre de ces rapprochements diplomatiques en cours, la baronne a exprimé quelques inquiétudes sur les propositions de réforme des conventions (que ce soient les amendements proposés par LEAP ou les idées de l’IMCPC), qu’après un demi-siècle de quasi-immobilisme de la CND, elles puissent servir de prétexte à de nombreux pays conservateurs pour enliser le débat. Elle suggère cependant de mettre ces réformes à l’ordre du jour en 2019 pour la grande évaluation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD).

Le Dr Pavel Bém à la tribune, lors de la conférence de Prague.

Le Dr Pavel Bém a insisté sur la structure complexe et lourde du système décisionnel de la CND et sur l’ancrage fort des trois conventions, appuyant les propos de la Baronne Molly Meacher, avant de laisser la parole à Michael Krawitz pour sa présentation de l’IMCPC. Après avoir remercié le Dr Bém pour l’excellence de la conférence de Prague dont il tenait la chaire, Michael Krawitz a insisté sur le fait que, pour la première fois, des organisations de patients et de personnes faisant usage du cannabis à des fins thérapeutiques (avec ou sans soutien et/ou ordonnance médicale selon les situations et les pays) se rassemblaient pour tenter de peser sur les réformes globales, notamment à travers un investissement dans le processus institutionnel relatif aux trois conventions internationales des Nations Unies.

Pour M. Krawitz, la seule existence de cette coalition, et le travail effectué à travers la déclaration et les communications permettent d’établir certains faits de base avec lesquels il faut désormais travailler : nous existons, nous travaillons à mettre en commun les connaissances sur le sujet du cannabis thérapeutique, et à un autre niveau une révision de l’Etat des connaissances du cannabis par le Comité d’experts sur la pharmacodépendance de l’OMS aura probablement lieu en 2018, permettant une reconsidération du classement de la substance. A ce titre, l’une des propositions de l’IMCPC consiste à reclasser le cannabis actuellement aux tableaux I et IV de la convention de 1961 pour l’inscrire au tableau III de la convention unique de 1961, comme le préconisait déjà le comité d’experts de l’OMS en 2003.

A ce titre, l’IMCPC se place donc dans une double stratégie : celle du changement immédiat, à court terme, du statut de la classification du cannabis ; celui, à moyen terme, de la réforme des règles internationales et du travail de réforme et d’amendement des traités, à l’image des propositions de LEAP.

Michael Krawitz et Kenzi Riboulet lors d’une réunion de travail IMCPC, le 7 mars 2015.

La veille de cette réception diplomatique, deux side-events (des rencontres organisées dans les locaux des Nations Unies pendant les sessions de la CND, soit par des États membres, soit par des organisations de la société civile) s’étaient tenu :

  • Le premier, intitulé « L’amendement des traités : un choix de réforme pour les politiques des drogues« , se tenait à l’initiative de LEAP et du gouvernement Tchèque.
  • Le second, intitulé « État des lieux de la criminalisation des usagers de cannabis en Europe » organisé par ENCOD et plusieurs de ses associations membres, dont ONEJ (Slovénie) et Cannabis sans frontières/Chanvre & Libertés, s’est terminé par une présentation par Michael Krawitz de l’IMCPC.

Dans l’atmosphère de changement qui règne au Vienna International Centre — le lieu hébergeant la 58ème session de la Commission des Stupéfiants de l’ONU — le travail effectué par l’IMCPC, la déclaration et les différentes présentations faites par Michael Krawitz, Farid Ghehiouèche ou Kenzi Riboulet sont reçues très positivement, avec considération, intérêt, et souvent avec bienveillance

Tout porterait donc à croire que les jours sombres de la stigmatisation systématique de l’usage de cannabis — quelques soient les motivations — et d’une morale conservatrice prohibitionniste à l’ONU sont en train de s’éloigner. Espérons qu’ils s’éloignent assez pour, en 2016, ne plus être audibles du tout et laisser la place au changement : l’expérimentation par les États de politiques nationales innovantes en matière de drogues, à commencer par le cannabis et ses précieuses utilisations curatives ou palliatives.

Les membres fondateurs de l’IMCPC, le 7 mars 2015, à Prague.

Déclaration de Prague de l’IMCPC.

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