Déclaration de la France – Danièle Jourdain-Menninger, présidente de la MILD&CA

58ème session de la Commission des Stupéfiants

Vienne, Mars 2015

— seul le prononcé fait foi —

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Monsieur le Directeur exécutif,  

Mesdames et Messieurs,

 

Je me réjouis de pouvoir m’adresser à vous aujourd’hui.

 

La France souscrit à la déclaration prononcée par la Lettonie, prononcée au nomde l’Union européenne.

 

Nous nous trouvons aujourd’hui à un moment crucial pour la coopération internationale en matière de prévention et lutte contre les drogues. La Sessionextraordinaire de l’Assemblée Générale des Nations Unies se tiendra l’année prochaine et nous devons saisir l’opportunité de cette 58ème Commission des Stupéfiants pour définir nos objectifs et nous donner les moyens d’y parvenir.


Les thèmes que la Présidence égyptienne nous a proposé de traiter nous paraissent être appropriés : ils encadrent les défis auxquels nous devons répondre et les grandes questions auxquelles nous sommes actuellement confrontés.


La Session extraordinaire 2016 sera une occasion unique pour les Etats Membres d’échanger ouvertement sur l’avenir et pour écouter toutes les voix, notamment celles de la société civile, dans un débat ouvert et constructif.


Mais si nous devons explorer toutes les pistes, nous devons aussi nous appuyersur un socle commun de principes.


Pour la France, ce socle repose sur deux piliers : les droits humains et les Conventions internationales.


Les droits humains d’abordLa France rappelle son opposition constante et déterminée à la peine de mort, en tous lieux et en toutes circonstances. Elle appelle à respecter les engagements internationaux dans le domaine des droits de l’Homme, notamment la convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant et le pacte international sur les droits civils et politiques. Elle exhorteégalement tous les États appliquant encore ce châtiment inhumain à établir un moratoire en vue d’une abolition définitive.


Longtemps perçue comme une forme de délinquance ou de déviance, l’addiction est désormais reconnue comme une maladie. Par conséquent, l’accès des usagers de drogues aux traitements et à des soins appropriés n’est pas un privilège mais un droit. Ce droit à l’accès aux soins participe du droit fondamental qu’est le droit à la santé.


D’autre part, disais-je, les traités internationauxLes Conventions de 1961, de 1971 et de 1988 ainsi que celles de Palerme et de Mérida constituent le cadre juridique dans lequel la coopération internationale doit être développée. Ces textes sont une garantie pour tous les Etats : malgré les différences qui peuvent exister dans nos politiques ou nos pratiques, elles nous lient et, partant, elles nous renforcent.


Ces Conventions internationales, parfois critiquées, nous incitent à renforcer la coopération internationale pour lutter contre le trafic de drogues mais elles nous demandent également d’intensifier nos efforts en matière de prévention et d’apporter aux usagers les soins de santé et la réintégration sociale.


Monsieur le Président,

 

Permettez-moi de dresser un constat rapide. La France considère que la drogue constitue une menace pour la santé et le bien être des individus et notamment des jeunes, mais également une menace pour la sécurité et l’état de droit. Il est important de partager ce constat et ne pas nier les défis que la drogue nous pose en termes de santé et de sécurité.


Les trafics de drogues alimentent la criminalité organisée et génèrent des fluxfinanciers tels que certaines organisations criminelles disposent de moyens comparables, et parfois supérieurs à certains d’Etats. Et quand l’économie se criminalise et génère de la corruption, c’est souvent l’Etat de droit qui est remis en cause, compromettant l’avenir de sociétés entières et mettant en péril la stabilité et la sécurité régionales et internationales.


En même temps, quand dans nos pays les jeunes manquent de repères, ils deviennent plus vulnérables et fragilesQuels que soient les contextes socio-culturels, la quête d’expérimentations nouvelles et la transgression de l’interditrendent les jeunes propices à l’adoption de comportements à risque. La consommation de drogue appartient à cette panoplie de comportements. Et là aussi c’est l’avenir de ces jeunes qui est en jeu.

Nous nous réjouissons dès lors qu’une plus grande attention soit désormaisconsacrée aux réponses sanitaires aux problèmes de drogues, notamment par les organisations internationales.


L’actualité du phénomène des addictions est chargée : de nouvelles drogues de synthèse apparaissent sans cesse sur les marchés, les polyconsommationsdeviennent la norme, Internet contribue à une diffusion large de produits et les trafics prennent une nouvelle ampleur. J’aimerais que nous nous attaquions à ces défis, en montrant un front commun.


Quant à nos objectifs pour 2016nous sommes convaincus que l’approche équilibrée et intégrée prônée par l’Union européenne constitue une réponse forte et adaptée aux défis posésJe souhaite ici réaffirmer l’importance de cette approche, car il ne s’agit pas juste d’une formule. Nous sommes convaincus qu’il est tout aussi essentiel de prévenir et lutter contre les trafics que de mener des actions de prévention innovantes et de délivrer les soins les plus adaptés aux usagers. La réduction des risques, en outre, constitue pour nous un élément essentiel de la palette des soins permettant de réduire les dommages causés par l’usage de drogues.

Cette approche équilibrée est celle de la France. Nous l’avons déclinée dans le Plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les conduites addictives pour la période 2013-2017.


Je suis également persuadée que cette approche a besoin d’être systématiquement évaluée pour calibrer nos interventions au plus près des besoins de nos sociétés. La science a fait des avancées considérables en la matière, je pense en particulier aux neurosciences qui nous ont permis de comprendre les mécanismes de l’addiction et les réponses du cerveau à certaines sollicitations.


Nous devons nous appuyer sur ces connaissances scientifiques et avoir l’honnêteté intellectuelle de reconnaitre les conséquences positives et négatives des actions réalisées. Nous pouvons être courageux dans les politiques publiques que nous menons, soyons aussi courageux dans leur évaluation, car nous serons ainsi plus efficaces.

En France, par exemple, nous avons lancé un important chantier pour procéder à l’évaluation systématique des programmes de prévention et nous saluons la récente initiative de l’ONUDC sur l’importance de mener des actions de préventions fondées sur des preuves scientifiques.


Je formule ainsi le vœu que tous les acteurs du processus qui nous conduira à la Session Extraordinaire en 2016 s’engagent sur un débat scientifique et non pas moral.

 

Monsieur le Président,


Les Nations unies sont le forum par excellence au sein duquel nous pouvons développer des politiques communes destinées à garantir la sécurité et le bien-être de nos concitoyens.


J’ai parfois le sentiment qu’à cause de quelques divergences de vues sur les actions à mener, nous pussions perdre de vue notre objectif communJe reste convaincue que cet objectif commun est de diminuer la présence de droguesdans nos sociétés et de baisser les niveaux de consommation, en assurant des soins les plus adaptés pour ceux qui sont en difficulté.


C’est la raison pour laquelle, la France prône pour que nous nous concentrions davantage sur ce qui nous unit.


La prévention est un pilier de nos stratégies nationales et multilatérales.  Nous souhaitons dès lors lancer une initiative de prévention lors de la Session extraordinaire en 2016Elle s’adressera particulièrement aux jeunes. Nous souhaitons travailler avec tous les Etats qui le souhaitent et toutes les organisations internationales actives dans ce domaine, en premier lieu l’ONUDC.

 

Nous avons une grande responsabilité envers nos concitoyens. Nous partageons cette responsabilité entre tous les Etats. Nous avons le devoir de nous montrer unis. Cet engagement commun nous permettra de faire de la session de 2016 l’aboutissement d’une réflexion commune, qui donnera un nouvel élan à nos efforts et à nos actions.

 

Ne manquons pas cette opportunité. Je peux vous assurer que la France continuera à prendre ses responsabilités en la matière.

 

Je vous remercie pour votre attention.