Cet article est une traduction de l’article « Cannabis Concentrates: Green Salvation or a Sticky Mess? » écrit par Adam Winstock, fondateur du Global Drug Survey, praticien psychologue et addictologue à Londres.

Dr Adam Winstock est consultant, addictologue, éducateur, chercheur, fondateur et directeur du Global Drug Survey. Diplômé et praticien en psychiatrie au Royaume-Uni, il est spécialisé sur la recherche et l’étude des toxicomanies.

Alors que l’évolution des régulations sur le cannabis déferle sur un grand nombre d’États Nord-américains, et que des entrepreneurs en herbe appâtés par les promesses de profit se jettent sur le moindre bout de verdure légale, j’ai pensé qu’il était temps de partager les résultats de la plus large étude jamais conduite sur les extraits huileux BHO [Butane Hash Oil, une des nombreuses techniques existantes pour concentrer le cannabis], issue de l’Enquête mondiale sur les drogues 2015 du Global Drug Survey.

Le billet de blog que j’avais publié sur le Huffington Post il y a un an faisait preuve d’une certaine démagogie morale (bien que j’aie entre-temps appris pas mal des commentaires postés). Il était suggéré qu’en tant que spécialiste des addictions, ma parole était amoindrie par le fait que je fasse mon beurre grâce à l’existence des dépendances ; j’ai trouvé cela plutôt injuste, mon intérêt étant d’aider les personnes à faire usage de drogues d’une façon plus sûre, mais si au delà d’une information de bonne qualité ils ne ressentent pas le besoin de se faire aider, je m’en réjouis. Je crois plutôt que cette accusation reflétait la polarisation habituelle du débat sur les drogues, et en particulier sur le cannabis. Ce clivage malheureux reste l’un des derniers tabous qui nécessite d’être déconstruit avant que la réforme de la législation sur les drogues puisse se mettre en route.

Le cannabis n’est pas sans risque. La dépendance est une réalité. Pour les jeunes ou les personnes présentant des maladies mentales, cela peut être problématique. Et le cannabis n’est pas la panacée pour tout soigner. Je peux dire cela, et en même temps dire que planer peut être amusant, que ça ne mène pas à la ruine, que ça ne conduit pas à consommer de l’héroïne, que le cannabis présente un potentiel thérapeutique immense, et que les politiques des drogues qui ruinent des vies pour un flagrant délit d’usage simple sont une vraie farce. Je peux le dire sans conflit, sans exclusion mutuelle, juste avec la réalité des usages de cannabis parmi le grand nombre de consommateurs et de consommatrices. Mais je me disperse déjà, revenons au propos de cet article.

Quand une préparation révolutionnaire comme le BHO entre en lice, et qu’elle est aisément soutenue par une industrie liée à la vaporisation branchée et florissante, il faut en évaluer l’impact. Et c’est ce que le GDS essaye de faire avec l’aide des usagers. Alors que nous préparons actuellement la publication des résultats de notre étude de l’année précédente, voici les principaux constats que je peux partager à ce jour et qui pourraient aider à faire connaître les voies du développement et de l’évaluation du BHO disponible sur le marché légal. La plupart des extraits de type BHO ne sont que du THC hautement concentré, mais ce n’est pas nécessairement le cas (les autres cas étant en grande majorité des concentrés de CBD ou cannabidiol, ndC&L).

Nous avons demandé à 2500 personnes de comparer l’effet planant entre un cannabis végétal puissant et des préparations BHO les plus courantes. Les évaluations ont indiqué qu’ils étaient très semblables dans leurs effets, ce qui suggère que les produits de BHO les plus courants sont majoritairement concentrés en THC. Basé sur notre travail antérieur (https://youtu.be/m6df_F_ON6Q), les fabricants devraient proposer des préparations plus équilibrées avec du CBD compensant les aspects négatifs de l’effet du THC pur (ayant tendance à perturber la mémoire tout en augmentant l’anxiété et la paranoïa). La puissance n’est pas la même chose que la préférence.

Les usagers américains de cannabis sont les plus éduqués au monde. L’Amérique a intégré depuis longtemps le fait que le cannabis est meilleur et est apprécié plus sainement sans tabac. Les observations du GDS2014 montrent que seulement 7% des utilisateurs américains de cannabis le mélangent habituellement à du tabac, ce chiffre avoisine les 80% dans la plupart des autres pays.

Le fait que le BHO se prête clairement à des modes de consommation sans tabac est extrêmement important sous l’angle de la santé publique. Nos observations tirées du GDS2015 ont suggéré qu’au moins 70% de ceux qui consommaient du BHO le faisaient sans tabac avec près de 50% d’entre eux utilisant un des nombreux vaporisateurs disponible sur le marché. Le cannabis étant pour de nombreux usagers la porte d’entrée vers le tabac, l’usage des deux substances utilisées conjointement est associé à des taux de sevrage plus faibles, une santé pulmonaire diminuée et de plus forts taux de dépendance. L’opportunité qu’offre le BHO de globalement dissocier le cannabis du tabac est de ce fait immensément plus important (Winstock et al 2010).

Global Drug Survey

Usagers, participez à l’étude Global Drug Survey de 2017

Avec l’augmentation de la puissance des produits fortement titrés en THC surviennent les complications, c’est pourquoi nous avons besoin d’un index de risque permettant de mesurer l’impact de ces nouvelles consommations. Les données issues du GDS2015 montrent que le BHO fait plus planer les gens, plus vite et plus longtemps que les variétés d’herbes avec un taux de THC élevé. Le souci est que les gens développent également plus rapidement une accoutumance et risquent d’avantage des expériences indésirables aigües.

Alors que seulement 1% des 40.000 usagers de cannabis ayant pris part à la GDS2015 ont déclaré avoir demandé un traitement médical d’urgence lors des 12 derniers mois (beaucoup plus élevé que ce que je pensais et pas beaucoup plus élevé que le taux chez les consommateurs d’alcool) plus d’études sont nécessaires pour déterminer si l’usage de préparations plus puissantes seraient associées avec de plus grands risques de dommages aigus et de dépendance.

Il ne s’agit pas de déclarer qu’une forme est plus sûre qu’une autre, mais de partager les pour et les contre relatifs à chaque mode de consommation ainsi que de partager ces données avec les usagers afin qu’ils puissent prendre des décisions éclairées. Alors que devons-nous faire ? Garder l’esprit ouvert. Continuer à recueillir des données. Réfléchir à ce que que nous apprenons. Partager les constats afin que le public puisse prendre des décisions en connaissance de cause pour leur santé et leur bien-être.

Si cela vous semble raisonnable et que vous voudriez prendre part à la plus grande enquête mondiale jamais réalisée veuillez s’il vous plait consacrer un moment pour partager anonymement vos expériences sur www.globaldrugsurvey.com/GDS2016. [Participez plutôt à l’étude de l’année 2017 à  venir, ndC&L]

(1) Winstock, Adam R.; Ford, Chris; Witton, John. Assessment and management of cannabis use disorders in primary care. In: BMJ, Vol. 340, c1571, 2010.

Pour aller plus loin :